A priori, cette expression aurait pu avoir sa place dans notre bullshitopédie. Et pourtant, le social cooling met le doigt sur un phénomène qui gagne à être connu.

Tijman Schep, chercheur néerlandais inventeur du social cooling, fait l’analogie entre réchauffement climatique et refroidissement social. Selon lui, de la même manière que le pétrole conduit au réchauffement climatique, l’exploitation des données personnelles mène certains utilisateurs à se dévoiler de moins en moins sur le net. Adieu recherches Google et photos de plages géolocalisées postées sur Facebook, tant pis pour le confort, le social cooler tente de laisser traîner le moins de données possible dans le sillage de sa navigation, conscient de leur valeur mercantile.

Les origines

Même si le terme est relativement récent (janvier 2017), on peut lier ses origines au scandale de PRISM, dévoilé en 2013 par Edward Snowden. Ce dernier, après avoir révélé au monde entier que chaque donnée laissée par un internaute était susceptible d’être exploitée par une agence gouvernementale à l’insu de leur plein gré, a généré une prise de conscience auprès de l’opinion publique et eu l’effet d’un électrochoc auprès des internautes les plus sceptiques.
Rebelote en 2018 avec le scandale Cambridge Analytica, cette entreprise qui a collecté des données sensibles de millions d’utilisateurs sur Facebook pour optimiser le ciblage publicitaire des campagnes du candidat Donald Trump. Le constat est là : comment faire confiance à des entreprises qui collectent les informations d’individus (âge, sexe, lieu de vie, goûts, milieu social, orientation sexuelle, opinions politiques religieuses, plutôt chien ou plutôt chat) pour orienter nos choix de vote ou de consommation ? Et paf, ça fait du social cooling.

Comment faire confiance à des entreprises qui collectent les informations d’individus pour orienter nos choix de vote ou de consommation ?

Tant de cerveaux disponibles

Le social cooling remet aussi en cause les réseaux sociaux : leur modèle économique repose sur cette tant controversée collecte de données, afin de proposer aux utilisateurs des publicités ciblées grâce aux algorithmes. Peut-on vouloir voguer sur internet sans y laisser nos données personnelles, alors que ces mêmes données sont indispensables à ces réseaux ? Ceci dit, pas de crise économique chez le géant du web Facebook, qui se porte toujours aussi bien. On constate néanmoins une crise de confiance quant à la responsabilité des décideurs tels Mark Zuckerberg, auditionné pour son implication dans l’affaire Cambridge Analytica.

Dérives

Au delà de l’idée de se faire revendre ses données, la crainte du social cooler repose sur les dérives que pourraient engendrer cette concentration de données personnelles en si peu de mains. Aujourd’hui la donnée a une valeur et collecter ce minerai virtuel pourrait mener au Capitalisme de surveillance, ou bien à résumer un être humain à une note. Des exemples ? Il suffit de commander un taxi sur Uber, regarder l’épisode 3 de la saison 1 de Black Mirror ou bien en jeter un oeil en Chine avec son système de « Note de confiance » attribué à chaque citoyen.

Des soluces ?

Lancé en mai dernier, le RGPD est un pas en avant car il nécessite le consentement d’un utilisateur  sur l’exploitation des cookies lorsqu’il navigue sur un site ou un réseau social. Mais ce n’est pas suffisant, sachant que certains sites demandent de décocher des dizaines de cases une par une… C’est fastidieux, et sans doute pensé pour qu’on lâche l’affaire. Vous l’aurez compris : beaucoup de ces formulaires RGPD sont conçus pour vous amener à consentir à ce que vos données soient exploitées, même si ce n’est pas explicitement dit. Dans le jargon on appelle ça des Dark Patterns.

Cool & the gang

Quelle leçon tirer de cette pratique ? A titre professionnel, vous rappeler que votre vie publique … est publique ! Rien ne vous empêche de dire ce que vous pensez, mais gardez en tête que l’on peut facilement retrouver vos activités en fouillant un peu les données publiques de votre compte. L’idée étant de prendre du recul avant de liker avec votre compte pro une page Facebook reflétant une facette de votre vie personnelle que vous ne voulez pas forcément dévoiler (opinion politique, orientation sexuelle, un penchant musical pour le dernier EP de Dying Foetus…) ou en utilisant votre adresse mail pro pour vous inscrire sur un site de poker en ligne (au risque de faire tapis sur votre e-reputation).

Sources : France InterUsbek & Rica