Après avoir été en contact avec Alessandro Comai, un professionnel de l’Intelligence Economique basé à  Barcelone, je lui ai demandé de me décrire le panorama actuel de l’IE en Espagne. Il m’a redirigé vers l’un de ses écrits parus dans le Journal of Competitive Intelligence and Management. Voici les infos que j’en ai tiré :
D’après une étude réalisée en 2000 sur 716 entreprises espagnoles exportatrices, 33% d’entre elles déclarent connaître et être sensibilisées à  l’Intelligence Economique, et 3/4 déclarent surveiller leur environnement concurrentiel de façon irrégulière.
Pricewaterhouse a publié un rapport en 2002 soulignant que les entreprises espagnoles ne considèrent pas l’Intelligence Economique comme prioritaire dans leur processus stratégique.
Une nouvelle étude menée en 2003 montre que la majorité des PME espagnoles innovantes ont mis en place des guidelines précis en termes de surveillance de l’info, mais ces objectifs ne sont pas toujours respectés, loin de là . Cette même étude souligne par ailleurs que plus l’entreprise est petite, plus ces objectifs d’IE se font rares. A l’inverse, les grosses structures gèrent beaucoup mieux l’information venue de l’extérieur.
Les PME sont beaucoup plus regardantes du montant de l’investissement en Intelligence Economique et privilégient des solutions économiques, notamment en ce qui concerne la collecte de l’information. Elles privilégient des méthodes telles que l’achat et le test des produits des concurrents, les retours des commerciaux présents sur le terrain et enfin Internet.
Une dernière étude, menée partiellement par Alessandro Comai, et portant sur 156 multinationales catalanes, souligne que la moitié des entreprises interrogées ont mis en place des programmes et des méthodes précis de collecte, de classification, d’analyse et de diffusion de l’information au sein de leur entreprise.
On y apprend par ailleurs que l’Intelligene Economique est souvent associée au département marketing, et peu d’entre elles possèdent une cellule de veille et d’IE propre.
Toutes ces études concordent à  constater que les entreprises espagnoles ne sont globalement qu’au stade initial de la mise en oeuvre d’une stratégie coordonnée et organisée d’Intelligence Economique.
Pour faciliter l’accès à  l’IE, notamment pour les PME, plusieurs trade associations proposent à  leurs membres des services mutualisés. Pour ex : l’ASCAMM pour le secteur plastique, ou AIDIMA pour le mobilier.
Il y a peu de cabinet de conseils d’IE en Espagne. Généralement composés de 2 ou 3 personnes, ces organisations sont souvent situées près des grandes villes (Barcelone, Madrid, Valence, Pays Basque). Il en va de même pour les formations diplomantes en IE.
Le co-auteur de cet article a mené une étude sur les 9 entreprises catalanes qui, selon lui, sont le plus impliquées en termes d’Intelligence Economique. Il ressort de ces « bons élèves » de l’IE que :
– ils privilégient les informations concernant leurs concurrents, les produits et leur secteur d’activité. 89% des sondés considèrent qu’il est crucial de connaître ses concurrents directs, indirects ou potentiels,
– ils utilisent principalement l’info collectée à  des fins marketing et stratégiques, mais aussi pour accompagner la R&D et l’innovation,
– ils emploient 2 à  3 personnes à  temps plein pour animer leur cellule de veille,
– ils privilégient particulièrement Internet comme source d’information. Vient ensuite l’utilisation de leurs réseaux puis la presse,
– ils ont développé un espace intranet spécialement dédié à  l’IE, via lequel ils collectent et distribuent les informations,
– les meilleurs élèves forment davantage leur personnel aux risques et à  la protection du patrimoine informationnel.
Pour terminer, les auteurs nous expliquent pourquoi l’Intelligence Economique n’est pas encore suffisamment développée en Espagne :
– l’IE est un concept obscur, trop souvent assimilé à  l’espionnage,
– pour les entrepreneurs, l’IE fait partie du pôle marketing, plutôt que d’y consacrer une fonction à  part,
– l’IE n’est pas suffisamment organisée, implantée et encadrée,
– plus l’entreprise est sur un secteur innovant, plus elle sera sensibilisée à  l’IE, même les PME. Et vice et versa.

Lu dans Competitive Intelligence in Spain : a Situational Appraisal, dans le Journal of Competitive Intelligence and Management, Automne 2004, co-écrit par Alessandro Comai et Joaquin Tena Millan.