En lisant ce matin mes articles sélectionnés pour plus tard (via Evernote Clearly, que je recommande d’ailleurs), j’ai été très surprise en parcourant S’armer pour protéger ses idées, publié jeudi dernier dans Les Echos.
Surprise parce que le titre et l’introduction promettaient un sujet bien ficelé, entre sensibilisation et bons conseils pour comprendre cette problématique ô combien réelle. Et puis au fur et à mesure de ma lecture, j’ai bondi (plusieurs fois)…
Un petit mot sur le contexte de l’article avant de vous expliquer ce qui me chagrine : une entreprise Z présente son prototype lors d’un salon. L’un de ses concurrents, Y, qui propose des produits similaires (mais apparemment pas aussi innovants), lui chipe sa plaquette et utilise l’argumentaire commercial du produit pour mettre en avant le sien sur la toile. Bref, l’entreprise Z s’en trouva fort dépourvue lorsqu’elle constate que sa place est prise sur le net, et par un copieur en plus.

Veille et intelligence économique, entre mythes et réalité

L’ordre des priorités

Si on s’en tient à l’organisation générale de l’article et notamment à ses sous-titres (classique de la lecture horizontale sur écran), l’ordre de priorité proposé par ses auteurs en cas de problème de ce type est :

  • 1) passer en tête des moteurs de recherche
  • 2) mettre en place une politique de confidentialité dans l’entreprise, et sensibiliser les collaborateurs internes
  • 3) cartographier son environnement grâce à une veille concurrentielle et marché

Personnellement, j’aurai classé différemment les points ci-dessus (2, 3 et 1 pour tout vous dire), et j’aurai même été plus loin dans la réflexion pour le premier point. Plutôt que de viser le podium des résultats sur Google, pourquoi ne pas mettre en place une stratégie de communication plus globale et aboutie sur le net ?

Court terme versus long terme

Le net est une sphère de plus en plus immédiate et spontanée. Soit. Pour autant, lorsqu’on souhaite communiquer sur le web, il est indispensable d’avoir une stratégie poussée, pensée, réfléchie et construite sur le long terme. Il n’est pas rare qu’on navigue à vue aujourd’hui et de penser d’abord à l’outil (court terme) au détriment du projet (long terme).
Et dans cet article, pas un mot à ce sujet. Au contraire, on peut lire :

[L’entreprise doit] travailler à redorer son blason sur la Toile. « Cela suppose de créer des sites fantômes ou des blogs qui lui redonneront dans le temps une dynamique positive et tenteront de la faire repasser en bonne position sur les moteurs de recherche »

Je respecte tous les points de vue. Le mien, que je dilue au fil de mes interventions, va à l’exact opposé : pas de sites fantômes et surtout pas de fausse communication pré-fabriquée qui ne durera qu’un temps. A l’inverse, toujours sur cette idée de long terme, je pense qu’il faut construire sa communication sur le web (social ou pas) sur des bases solides et durables, qui ne peut pas passer par ce type de pratiques.
Et croyez-moi, il n’est pas rare que je reprenne des projets en cours de route qui aillent dans ce sens, du simple faux commentaire à la série de blogs fantômes aux contenus dupliqués…

C’est pas moi, c’est lui

Si les pratiques de l’entreprise-copieuse (dénommée Y en intro) sont à pointer du doigt, qu’en est-il de la victime ? Si j’ai bien compris l’article, il ne s’agit pas d’une copie du produit, mais de l’argumentaire de celui-ci, utilisé pour mettre en avant ceux de la société Y. Si j’ai bien compris aussi, le produit de la société Y n’est pas tout à fait le même que celui de la société Z (publicité mensongère ?), celle-ci ayant mis au point un nouveau prototype, innovant donc.
C’est aussi la dure loi des affaires : si vous ne prenez pas votre place, d’autres la prendront. Et si en plus, vous donnez à votre concurrence un bâton pour vous faire battre…
Pourtant, on lit dans l’article :

Fort de son avance en « intelligence économique » (IE), le copieur s’est d’abord procuré le dépliant distribué sur le Salon par le fabricant d’accessoires de voyage.

Petite explication de texte :

  • L’article mélange tout : l’intelligence économique est à nouveau associée à des pratiques obscures, qui existent mais qui ne représentent pas la majorité des professionnels
  • Le copieur a pris l’information là où il l’a trouvée, et sans fouiller dans les poubelles.

A mon sens, il faut traiter le problème à sa source : l’entreprise détentrice du prototype a-t-elle délaissé le web au profit de ses concurrents (ce canal paraissant stratégique pour l’entreprise, à lire l’article) ? A-t-elle protégé ses informations sensibles ? Son produit a-t-il une réelle valeur ajoutée qui le différenciera de la concurrence ?
Ceci dit, ma conclusion pour l’entreprise victime n’est pas « bien fait », au contraire, nous faisons tous des erreurs, moi la première. Je le précisais d’ailleurs en intro : ces pratiques douteuses sont un vrai problème qui pâtit d’un vide juridique, comme l’explique l’une des expertes interrogées par Les Echos. Ne connaissant pas l’affaire, il est possible que l’entreprise Z ait déjà pensé à ces points en amont (veille, protection, stratégie web… ) avant de subir le poids des attaques de son concurrent douteux.
Par ailleurs, même si le fond de l’article est bon (comment protéger ses idées dans un contexte économique parfois proche du far west), la forme et les réponses apportées me paraissent biaisées.
Evidemment, lorsqu’on est en situation de crise, on peut penser plus facilement à des solutions court-termistes. Pour autant, prendre la première place sur les moteurs de recherche et redorer le blason de son e-réputation ne représentent qu’une partie des solutions possibles, qui nécessitent (encore et toujours) de penser sur le long terme, pour pouvoir capitaliser ensuite sur le travail déjà fourni.
Bref, vaste sujet que celui de la place du web aujourd’hui (celle réellement occupée et celle perçue comme parfois secondaire ou temporaire), tout comme celui de l’intelligence économique, aux multiples facettes mais pas toujours obscures…