Responsable de projets à la CMA de Haute-Savoie (CMA 74), Séverine Verguet développe la mission Veille et Intelligence Economique comme démarche pilote dans le réseau des Chambres de Métiers et de l’Artisanat depuis 2002.
Dans ses bagages, une formation en Economie et Management, avec une spécialité en Système d’Information et Veille Stratégique (Master MSIO à l’IAE de Grenoble), et un intérêt marqué pour la gestion de projet et la veille stratégique.
Peux-tu nous présenter ton poste ?
Mon poste a été créé dans le cadre d’une orientation politique forte au niveau des réseaux des CMA pour expérimenter et mettre en oeuvre des démarches de veille anticipative, tant pour les organisations que pour les entreprises. La CMA74 dont l’équipe dirigeante était sensible à ces thématiques comme l’innovation, la veille, le marketing des services, les démarches de progrès, a tout naturellement inscrit à son projet politique cet axe de travail et créé un poste de « Chef de projet Veille».
Initialement rattachée à un pôle Accueil et Information des Entreprises, j’ai ensuite fait évoluer ma mission au sein du Service Informatique et désormais au service Études Territoires et Marchés. J’ai également toujours eu un lien direct avec notre Directeur Général et le bureau (Conseil d’administration) de la CMA74.
Quelles sont tes missions ?
Mes missions actuelles s’articulent autour de 3 axes :

  • l’ingénierie et l’animation de projets d’Intelligence Economique et Territoriale (IET), avec la coordination d’équipes pluridisciplinaires, la recherche de financements, le développement de partenariats,
  • le développement d’une offre de services de veille à destination des TPE, la production de livrables et d’analyses économiques,
  • l’expertise Veille et Intelligence Économique en interne (mission support) et auprès du réseau des métiers (transfert de compétences) notamment,

J’interviens également auprès d’étudiants, à Grenoble, et lors de conférences pour des retours d’expérience sur la veille auprès de réseaux d’appui au développement économique.
Travailles-tu seule ou en équipe ? Quels outils utilises-tu ?
Je m’appuie sur les ressources internes : les conseillers d’entreprises spécialisés, les managers, les chargées de veille/d’études, la communication, et le réseau, nos partenaires (centre technique, pôle de compétitivité ou cluster, collectivités….) !
Avec les deux chargées de veille et d’études de notre service, nous réalisons la production des livrables et alimentons le système de connaissance et de veille. Nous réalisons une veille réglementaire, économique, et sectorielle.
La veille est capitalisée et diffusée via un extranet, l’espace d’informations et de veille AVISE. Nos clients de la veille bénéficient d’une veille personnalisée envoyée par mail, ce service est très apprécié. Nous exploitons aussi de nouveaux canaux d’information : portail netvibes thématiques, flux RSS, twitter…
La veille est renforcée sur les secteurs stratégiques. Elle devient un outil et complète une offre de services favorisant le développement des entreprises dans le cadre de projets d’Intelligence Economique et Territoirale.
Chaque chargée de veille est spécialisée sur un secteur, ayant un profil et des compétences complémentaires, le travail en équipe est très enrichissant. Nous organisons tous les 2 mois une mini Communauté de pratique Veille, le TKFé, un temps d’échange sur nos usages, pratiques d’outils ou add-on, lectures ou infos réseaux.
Le service ETM c’est 7 personnes, 5,5 équivalents temps plein. Nous sommes à la fois centre ressources, service support, service client et R&D ! Beaucoup d’enjeux et de missions, qui laissent large place à l’Intelligence Économique et Territoriale.
Outils utilisés : Business Object, Carte et données et Sphinx pour les études et statistiques, Websitewatcher, Knowings KMS et outils du web 2.0 : flux RSS, Netvibes, Twitter…, pour la veille.
Personnellement, j’utilise beaucoup Xmind pour la gestion de projets, les livrables de veille, ainsi que Netvibes.
Le budget est celui intégré au service Études Territoires et Marchés et reste important compte tenu des outils utilisés pour les études et la veille, des ressources humaines et l’acquisition de données (dont abonnements pour le centre de documentation). Nous travaillons pour l’essentiel avec des sources ouvertes et accessibles.
As-tu constaté des répercussions positives suite à vos actions ?
Difficile question du retour sur Investissement !
Oui c’est positif si l’on considère qu’une mission de veille expérimentale dans une CMA a su se pérenniser et se développer pour devenir aujourd’hui une référence dans le réseau des CMA et auprès d’un public difficile à mobiliser sur cette thématique.
Oui, si l’on considère que cette mission a permis de générer des ressources dans le cadre de projets d’Intelligence Economique (par exemple, VISTI dans le cadre du Pôle Arve Industries Mont Blanc www.arve-industries.fr) et par le développement des prestations de veille et d’études.
Oui, par les retours des entreprises sur leur satisfaction sur nos livrables de veille, les prestations réalisées, ou par les opportunités qu’elles ont pu créées. Par exemple, la sélection d’avis de marchés publics – une veille appels d’offre est réalisée pour les entreprises du bâtiment, a permis de décrocher un marché important. Autre exemple, une veille spécifique aux marchés de la sous-traitance industrielle a permis a 15 entreprises sous-traitantes, en 2009 de renforcer leur actions de prospection et leurs démarches à l’export sur le créneau porteur du médical.
Mais il reste du chemin….
Notre tissu artisanal est composé de 15 000 entreprises, peu d’entre elles ont ce réflexe naturel de s’informer de manière anticipative, d’être actives dans les réseaux, d’être à l’écoute du marché… C’est aussi pour cela que je m’appuie sur le travail de proximité des conseillers qui sont dans les entreprises chaque jour, qui accompagnent les dirigeants dans leur développement, organisent des réunions de sensibilisation pour des démarches à l’export, à l’innovation, au développement durable… L’information ne sera utile et appropriée que si elle est opportune, proposée de manière ciblée et adaptée au dirigeant de TPE. En cela, il est difficile de mesurer concrètement les effets positifs d’une démarche d’Intelligente Économique, si ce n’est notre capacité à pérenniser un tissu artisanal par des entreprises plus solides et des dirigeants mieux informés -information/veille, à bien le représenter auprès des instances et projets locaux -lobbying, et de valoriser les filières stratégiques de notre territoire -communication.
En interne, la démarche a permis de développer une culture de l’information et a contribué à une professionnalisation des collaborateurs. Les pratiques sont encore inégales, il reste quelques adeptes de la copie fournie par l’assistante de service… La mission s’est beaucoup développée vers les clients externes, un travail de veille collective s’organise autour des projets. La veille s’organise comme un poumon qui reçoit de l’information et en diffuse, met à disposition des ressources, des compétences. La formalisation de cette veille collective est un chantier important pour cette année, également la nécessité de mieux communiquer sur nos outils et livrables, de sensibiliser, de faire notre propre marketing interne !
Petite anecdote : quand je suis arrivée, un ancien de la maison m’a dit « depuis le temps qu’on attendait une bibliothécaire »… aujourd’hui notre Président, en fin de mandature, salue le travail réalisé et considère notre démarche comme exemplaire et à la pointe dans notre réseau des CMA.
Les artisans sont-ils sensibles à la veille ?
Cela rejoint mes propos précédents, il y a des chefs d’entreprises « haut du panier », que l’on va retrouver dans les réseaux, qui participent à différentes actions de la CMA74. Les dirigeants qui sont sensibles à la veille font preuve d’ouverture et abordent la veille à partir des projets de développement de leur entreprise. Certains sont convaincus et pratiquent, d’autres sont consommateurs, cela représente au mieux 30% de nos dirigeants. La majorité de TPE-PME ne sont pas matures sur ce thème, notre rôle est aussi de les sensibiliser soit de manière individuelle ou collective.
Depuis 2003, nous proposons régulièrement des formations à la maîtrise de l’information, des ateliers de sensibilisation à la veille et à l’innovation avec des témoignages d’entreprises. Ces interventions, que nous animons, permettent aussi de rester proche du terrain, d’adapter notre discours, nos outils pour être le plus pragmatique et de s’adapter aux contraintes de ces dirigeants qui sont au four et au moulin.
Il faut en tout état de cause rester pratique, proposer des services utiles et adaptés, être opportun et apporter de l’information ciblée dans le cadre de leur projet de développement. Le langage technocratique, ce n’est pas pour les TPE-PME !
Avec l’arrivée de nouveaux profils d’artisans, plus jeunes, avec parfois une formation initiale plus universitaire, plus aguerris aux nouvelles technologies, aux réseaux sociaux, le lien avec la veille est plus facile et cela nous permet d’expérimenter des outils nouveaux comme Netvibes, Twitter….
Tu as ici « carte blanche » pour t’exprimer…
Carte blanche ! Je rebondis sur le mot carte, le mindmapping, c’est vraiment pour moi une tendance forte dans la veille tant dans la production de livrable à forte valeur ajoutée que comme outil de gestion de projet, d’aide à la recherche d’information, de formalisation du processus de veille. Je suis vraiment adepte !
Un credo : communiquer : faire son propre marketing interne, valoriser son activité, proposer des livrables « sexy » !
Le réseau : la veille ne se fait dans son bureau, avec un PC comme seul outil de travail, rien ne remplace le terrain, les échanges !
Pour terminer, c’est un métier de niche, nouveau, parfois complexe à appréhender dans nos organisations, mais au combien passionnant ! Les personnes qui travaillent dans la veille sont souvent ouvertes aux échanges de pratiques, c’est très enrichissant.
Et merci aussi à des blogs comme L’Œil Au Carré, animés par des veilleurs passionnés qui prennent le temps de vulgariser leurs savoirs et savoir faire !