Après un Master en « intelligence économique et communication stratégique » à l’ICOMTEC de Poitiers, Fanny Dufour est entrée en 2006 à la CCI de Rennes en tant que Chargée de mission. Elle y travaille dans le cadre d’un contrat de thèse CIFRE (conventions industrielles de formation par la recherche), elle consacre donc 80% de son temps à la CCI et 20% à l’Université de Rennes 2, pour faire de la recherche applicative dans le domaine de la psychologie sociale.
Quelles sont les activités de la CCI de Rennes en termes de veille et d’IE?
La CCI de Rennes a structuré une démarche d’IE auprès des entreprises de son territoire, et plus particulièrement pour les filières clés : automobile, chaîne alimentaire, logistique, éco-activités et TIC.
L’organisation interne est transversale sur ces 5 filières, à savoir que les conseillers d’entreprises et les veilleurs mène ensemble les démarches d’IE.
Nous sommes organisés autour de 3 activités complémentaires : la production de connaissances et informations stratégiques (veille), l’animation de communautés d’entreprises (ateliers, conférences), et l’accompagnement individuel des entreprises en développement et en création. C’est ainsi une véritable « chaîne de réponse » que nous proposons aux entreprises : les mutations et les nouvelles tendances sont identifiées à travers le processus de veille, qui va alimenter en réflexion et en données d’anticipation des clubs et communautés d’entreprises. Les entreprises intéressées par ces démarches pourront bénéficier d’un accompagnement individuel par un conseiller.
La veille produite sous forme de news, alertes, benchmarks… est disponible par abonnement sur un site dédié, Themavision.
Pouvez-vous nous présenter Novincie?
Novincie est une association de loi 1901, fondée en 2006 par la CCI de Rennes, l’Union des Entreprises d’Ille-et-Vilaine, l’IGR-IAE de Rennes, l’association régionale des auditeurs de l’IHEDN et le RéPI (réseau entreprise – propriété intellectuelle). Son ambition est d’être un « réseau de réseaux », pour diffuser auprès du plus grand nombre d’entreprises les démarches d’IE et d’innovation.
Nous menons des actions de sensibilisation à l’IE et l’innovation, via des conférences où nous invitons des chefs d’entreprises à témoigner sur les méthodes et pratiques. Nous avons créé depuis 2 ans une formation continue destinée aux cadres et dirigeants d’entreprises et d’organismes publics : nous les aidons à intégrer l’IE dans leur travail quotidien, et ainsi à devenir des « acteurs du changement » au sein de leur organisation.
Enfin, nous mobilisons des experts et des professionnels pour décrypter collectivement les grandes mutations de l’environnement des entreprises, pour les aider à anticiper et à s’y adapter. Par exemple, nous avons réalisé une étude sur les véhicules électriques et la mobilité, ou sur la tendance bien-être et santé dans l’industrie agroalimentaire…
Quel est le projet le plus abouti auquel vous avez participé?
Nous avons réalisé un DVD intitulé « L’entreprise Compétitive », qui présente des films courts extraits des conférences Novincie, et dont le but est de sensibiliser les chefs d’entreprises à l’anticipation et au management de leur dynamique d’évolution par l’IE et l’innovation.
Partant des témoignages des conférences, nous avons pu qualifier une entreprise compétitive par 4 grandes thématiques (avec pour chacune plusieurs attributs) : l’entreprise en mouvement, l’entreprise qui décrypte son écosystème, l’entreprise qui construit l’avenir et l’entreprise qui active le changement en interne.
Nous utilisons ce DVD comme support d’animation collective pour des clubs d’entreprises. Les participants sont très réceptifs aux témoignages par des pairs. Ils peuvent discuter ainsi de l’IE et l’innovation d’après des cas concrets, et échanger sur comment faire, avec quels outils, en activant quels leviers… Ils peuvent ainsi se comparer, identifier les atouts de leur entreprise et aussi exprimer des besoins en terme de formation, d’accompagnement…
Parlez-nous un peu de votre thèse, ses problématiques…
Dans le cadre de ma thèse, nous cherchons à comprendre les mécanismes de la dynamique d’adaptation d’une entreprise par l’IE et l’innovation. Nous mobilisons des modèles théoriques issus de la psychologie sociale, qui nous permettent de dépasser la simple description pour aller vers une véritable analyse des processus en jeu.
L’IE pour nous ne mobilise pas que des informations stratégiques, mais aussi des connaissances, des compétences et des actifs. Nous avons modélisé les activités de l’IE dont les résultats sont la maîtrise des informations, le management des connaissances, le développement des compétences et la valorisation des actifs.
L’IE couplée à l’innovation est ainsi appréhendée comme un processus, qui doit donc être piloté. Notre parti pris est de penser que ce processus, pour être performant, est piloté par la dynamique d’adaptation de l’entreprise à son environnement. Dans ce cadre, nous cherchons à comprendre cette dynamique du point de vue de l’agilité organisationnelle et de l’intelligence collective.
Que pensez-vous du marché breton en termes de veille & d’IE? L’offre est-elle à la hauteur de la demande? Les entreprises bretonnes sont elles suffisamment sensibilisées à ces thématiques?
C’est difficile à mesurer, nous avons sur notre territoire de nombreuses entreprises, même de petites tailles, qui ont structuré leurs démarches d’IE et d’innovation, et qui sont à ce jour très compétitives et innovantes. Mais ce n’est pas forcément le cas de la majorité d’entre elles, surtout sur des secteurs d’activités traditionnels comme l’agroalimentaire… Néanmoins, à mon avis nous pouvons dire qu’aujourd’hui, l’IE est connue des entreprises, elles savent de quoi on parle… de là à s’en emparer et à franchir le pas pour implémenter de vraies démarches, ce n’est pas encore gagné… malheureusement, les entreprises voient l’IE comme une démarche de spécialiste, qui demande du temps, de l’investissement dans des outils, et donc qui n’est pas en accord avec leur management à court terme…
En ce qui concerne le marché des consultants en veille et IE, il reste encore des places à prendre ! Le volet sécurité et protection ne m’apparait pas assez représenté, alors que les attaques sont de plus en plus nombreuses…
Selon vous, est-il nécessaire d’instaurer une loi afin d’encadrer les professionnels de l’IE, ou une charte éthique suffit-elle? (voir le billet à ce sujet)
Notre profession, comme toute autre, a besoin de se structurer, c’est certain ! Mais je ne pense pas que le problème se situe sur une loi ou une charte éthique entre professionnels de l’IE. L’enjeu aujourd’hui est que toutes les entreprises s’emparent de l’IE, et pour cela, elles doivent s’y retrouver dans l’offre des prestations, y identifier un véritable avantage compétitif. J’opterais donc plus pour une accréditation des professionnels, fait par un institut reconnu par la profession et indépendant. L’objectif serait d’assurer aux entreprises le choix d’une prestation qui réponde à leurs besoins d’évolution et d’adaptation. C’est elles qui doivent piloter leurs démarches d’IE en fonction de leur trajectoire de développement, et moins un prestataire qui vendrait de la veille pour de la veille…