L’ADBS (Association des professionnels de l’information et de la documentation) a tout récemment organisé une conférence sur « Les métiers de la veille aujourd’hui : le cas des veilleurs d’e-réputation« .
A cette occasion, Camille Alloing (de CaddE-Réputation), Florence Zanier (du groupe de retraite complémentaire Agirc-Arco), Delphine Cuny (de Veolia Environnement) et Marie Paniez (consultante veille stratégique) ont partagé avec nous leur point de vue et expérience en matière de veille et e-réputation.
Chacun a pu apporter sa vision et expliquer le fonctionnement de la cellule de veille interne à leur entreprise. Une matinée enrichissante, dont on retiendra notamment que le métier de veilleur est arrivé à un (nouveau) tournant où le professionnel doit se renouveler et s’adapter : la veille n’est plus réservée au veilleur, qui ne doit (toujours) pas se définir par ses outils, mais par ses compétences. Plus que des résultats, nous devons désormais produire du sens.

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Le veilleur : encore trop attaché à ses outils

D’après Camille Alloing, les veilleurs sont encore trop attachés à leurs outils. Cependant, dans un contexte où la veille s’industrialise et où chacun est capable d’accéder et de produire de l’information, se définir uniquement par ses outils de travail représente un risque :

  • quand l’outil vient à disparaitre : le veilleur se trouvera déstabilisé le temps de se faire la main sur un autre logiciel. Florence Zanier (de l’Agirc-Arco) l’illustre parfaitement : depuis l’annonce de la fin de Google Reader, l’association cherche un nouvel outil aussi simple et efficace. Pour le moment, aucune solution de remplacement n’a été définitivement adoptée.
  • quand l’outil devient plus performant que le veilleur : c’est notamment le cas pour Google qui ne fournit plus des résultats, mais des réponses. Le jour où des plateformes comme Twitter ou Facebook intègreront des outils de veille, les veilleurs qui ne se seraient pas renouvelés pourraient ne plus être aussi efficients en interne.
  • quand les indicateurs deviennent la norme : de plus en plus d’outils de mesure d’influence apparaissent (comme Klout) et apportent (ou plus précisément prétende apporter) sur un plateau d’argent des analyses qualitatives pour faciliter la prise de décision. S’il est tentant de se reposer sur ces services en ligne, leurs méthodes de calcul restent obscures et ne valent pas (encore) l’expertise du veilleur.

Pour Camille Alloing, c’est à l’outil de s’adapter aux besoins du veilleur et non l’inverse. En effet, les solutions de veille permettent généralement de récolter et de traiter un très grand nombre de données. Mais est-ce vraiment utile ? On peut se poser la question lorsque l’on sait que :

  • la donnée est partout, mais cette dernière n’offre pas toujours du sens. Par conséquent, amasser un grand nombre de données ne permettra pas toujours de dégager de l’information voire même des connaissances
  • les décisions ne se prennent en général que sur une petite partie des informations disponibles. Dans le cas de l’Agirc-Arco, en moyenne, seulement 5% des contenus collectés donnent lieu à des actions de leur part (rectification des informations diffusées sur le web, réponse à des questions précises…)

Le veilleur : plus que des résultats, du sens

Dans un contexte d’infobésité, on note une évolution intéressante des outils de veille : hier encore, ces derniers se vantaient d’agréger de nombreuses sources. Aujourd’hui, leur argumentaire commercial est basé sur leur capacité à les filtrer.
Cependant, le rôle du veilleur en e-réputation ne doit pas se limiter à « sa capacité à appuyer sur des boutons », insiste Camille Alloing. Ce dernier doit devenir un filtre et distinguer les informations intéressantes des informations utiles dans la prise de décision. Le métier est arrivé à un moment crucial : il faut se renouveler pour ne pas être dépassé par la performance technique des outils ou par les collaborateurs-curateurs qui effectuent en partie les tâches du veilleur.
Dans une organisation (entreprise ou pas), l’écoute du web n’est plus suffisante, le veilleur devra être proactif. En effet, l’ensemble des salariés font de la veille, « qu’ils s’en rendent compte, ou non », explique Camille Alloing, ne serait-ce qu’en alimentant un compte sur Twitter par exemple. De la simple veille, il faudra donc évoluer vers le management de l’information.
D’une part, le rôle du veilleur sera d’accompagner ses collaborateurs dans la mise en place d’une veille de qualité et cohérente avec l’entreprise, notamment en identifiant les sources à suivre.
D’autre part, le veilleur sera également le garant de la circulation des informations. Car si chacun effectue sa propre veille, peu de contenus sont ensuite partagés en interne : la veille est encore trop cloisonnée. La mission du manageur de l’information sera donc de mettre sur pied des systèmes pour que ces informations circulent rapidement et atteignent les bonnes personnes… au bon moment.
En définitive, la veille e-réputation (mais pas seulement, on l’aura bien compris) s’inscrit dans une vision plus globale qu’un aspect purement marketing. La veille doit s’insérer dans une stratégie plus large, qui permet à l’entreprise de donner du sens à ses actions. Aujourd’hui encore plus qu’hier, compter le nombre de « likes » ou de partages n’a pas d’intérêt. Pour comprendre le fonctionnement des réseaux sociaux et adapter son discours à chaque communauté, il faut avoir une vision complète du contexte dans lequel l’entreprise évolue. A suivre…